'Des travailleur·euses peuvent également venir soulager la "misère sentimentale", une relation financière n'y fait pas obstacle.' C'est ce qu'écrit La Morrigasme, travailleuse du sexe bruxelloise, dans une nouvelle chronique pour BRUZZ.

©
Saskia Vanderstichele
En tant que TDS, on me parle souvent de la prétendue « épidémie de misère sexuelle» dont souffriraient les hommes actuellement. Personnellement, je pense que c'est un mythe. Je m'explique.
La jouissance physique en soi n'a jamais été aussi accessible qu'aujourd'hui. La masturbation est gratuite et accessible à toute personne valide. Internet regorge de contenus pornographiques gratuits (non éthiques). Le marché du sextoy offre une gamme presque infinie de choix de stimulations. Enfin, pour ceux qui voudraient un acte avec un être humain, la prostitution existe depuis toujours et dans le monde entier. En Belgique, elle est décriminalisée et particulièrement accessible. Pour tous ceux qui ont une envie spontanée, il y a, particulièrement à Bruxelles, des bars-vitrines accessibles 24/7. On ne vous y demandera ni d'être charmant, ni d'être cultivé, ni même d'être intéressant. Tout au plus on vous demandera -au-delà du paiement, cela va de soi- de prendre une douche, de vous brosser les dents et d'être un minimum poli.
Contrairement au cliché de la TDS qui ne s'intéresse qu'à l'argent, l'industrie du sexe est sans doute celle où j'ai rencontré le plus de femmes profondément gentilles
Ce n'est pas la simple jouissance physique qu'ils recherchent. Ce serait trop simple. Au-delà de la conquête (voir ma chronique précédente), les hommes veulent être désirés. Ils veulent être regardés, admirés, considérés, entendus, chouchoutés... en soi : validés en tant qu'êtres humains. Je ne pense pas que ce soit de misère sexuelle dont ces hommes souffrent mais de « misère sentimentale ». Et ce besoin de connexion ne concerne pas uniquement les hommes. Les femmes en souffrent tout autant. Elles l'expriment simplement autrement.
Interactions humaines
Peut-être est-ce dû à nos sociétés modernes de plus en plus déshumanisées ? Les réseaux sociaux qui devaient nous réunir nous isolent et nous montent les uns contre les autres. Les applications de rencontre nous noient dans un océan de possibilités qui nous semble infini* sans forcément nous offrir de connexion réelle. Oui, c'est un peu caricatural mais je n'ai qu'une page pour étayer mon propos donc les nuances passeront à la trappe ici.
Nous avons besoin de contacts humains pour nous épanouir. À toute personne qui me parle de « misère sexuelle », je lui conseille de plutôt explorer le concept de « misère sentimentale » et de se recharger en interactions humaines réelles et ce, pas seulement au travers de la sexualité.
Des travailleur·euses peuvent également venir soulager cette peine. Par exemple : ce n'est pas parce que vous le payez pour ses services que votre coiffeur de quartier chez qui vous allez depuis vingt ans n'apprécie pas sincèrement de discuter avec vous. Et ce n'est pas parce qu'il y a un rapport d'argent entre vous qu'il ne fait pas, d'une certaine manière, partie de votre entourage social.
Je suis également professeure de danse et le fait que mes élèves me paient pour mes cours ne m'empêche pas de tisser des liens réels avec elleux.
Il en va de même pour les TDS, y compris les strippeuses. Contrairement au cliché de la TDS qui ne s'intéresse qu'à l'argent, l'industrie du sexe est sans doute celle où j'ai rencontré le plus de femmes profondément gentilles. Après tout, c'est un métier qui demande une grosse dose d'empathie.
Read more about: Column , Column La Morrigasme , seksindustrie , sekswerker , erotische performer